Les quatre Réserves d'énergie

Auteur : Alain ARNAUD
Mail : arnaud2alain@free.fr
Versailles, Juillet 2013

Les quatre R

Pour faire face à l'effort, notre organisme dispose d'abondantes réserves d'énergie. Il en existe quatre principales : les quatre R. En fonction des circonstances, il puise dans ces différentes réserves selon des stratégies longuement mises au point au cours de l'évolution des espèces. La plus importante en quantité est la réserve adipeuse (le gras), mais ce n'est malheureusement pas la plus facilement accessible. Bien entendu, s'il a puisé dans ses réserves, l'organisme s'empresse de les reconstituer dès qu'il en a l'occasion. Souvent même, par excès de précaution, il va un peu (ou beaucoup) trop loin dans la mise en place des tissus adipeux.

En allant de la plus lente mais la plus abondante (R4) à la plus rapide mais aussi la plus faible (R1), on peut distinguer quatre réserves d'énergie dans l'organisme :

R4

Les graisses corporelles. Leur stock est immense. Même chez une personne en forme, elles représentent plusieurs kilos et leur pouvoir calorifique est nettement supérieur à celui des autres réserves d'énergie. Elles permettent à l'organisme de tenir plusieurs jours, voire plusieurs semaines sans alimentation. Mais leur libération est laborieuse et, à elles seules, elles ne permettent pas un effort très intense. La performance sera donc très modeste (a). En fait, elles sont libérées pour apporter un complément d'énergie aux cellules (b) lorsque les autres ressources (R3, R2 et R1 : voir ci-dessous) sont fortement sollicitées. Beaucoup d'organes ne savent pas utiliser directement ce carburant. Le cerveau, par exemple, a un besoin absolu de glucose (c). Ainsi, lorsque les autres sources de glucose sont épuisées, le foie sait mettre en œuvre un mécanisme particulier de synthèse du glucose à partir des graisses. Ce mécanisme consomme aussi des protéines. Si l'alimentation n'en apporte pas, l'organisme n'hésitera pas à puiser dans ses propres protéines entraînant la fonte des muscles.

R3 et R2

Les sucres et le glycogène. Il existe dans la nature de nombreuses formes de sucres qui diffèrent légèrement par la forme de leur molécule. Le sucre utilisé par nos cellules est le glucose (d). C'est même le carburant unique des neurones et donc du cerveau. Notre organisme est équipé d'enzymes qui sont capables de convertir les différents sucres naturels en glucose. C'est le cas pour le saccharose (le sucre) ou le fructose par exemple. La conversion est plus ou moins rapide selon les sucres et aussi la façon dont ils sont ingérés.
L'amidon, abondant dans le blé, les légumineuses ou les pommes de terre, est un polymère du glucose, c'est-à-dire une chaîne de molécules de glucose. La chaîne comporte de nombreuses fourches qui compliquent le travail des enzymes de transformation. Il faut une batterie d'enzymes pour « débobiner » complètement l'amidon en molécules de glucose individuelles. La digestion peut prendre quelques heures : l'amidon est un sucre lent. Lorsqu'il est très cuit, la chaleur a fait une partie du travail et il est plus rapide.
Le glucose est transporté dans l'organisme par le sang (e) mais il est stocké sous forme de glycogène, un polymère du glucose facile à débobiner. Le glycogène est fabriqué dans le foie : à partir du glucose, mais aussi, en cas de pénurie, à partir des graisses et de protéines.
Le stock de glycogène de l'organisme se trouve principalement dans le foie et dans les muscles.

R3

Le glycogène hépatique. Il est stocké dans le foie. Il est peu abondant (75 g en tout) (f), mais il est constamment disponible pour tous les organes qui en ont besoin : pour les muscles, bien sûr, mais aussi pour le cerveau dont c'est l'unique carburant et qui en consomme la nuit comme le jour. Le glycogène hépatique sert à maintenir constant le taux de glucose dans le sang. Il peut se trouver épuisé le matin à jeun car le cerveau en a consommé pendant la nuit. C'est la raison pour laquelle on recommande un dîner riche en sucres lents de telle sorte que le glucose libéré pendant la nuit par la digestion de l'amidon vienne recharger le foie en glycogène. Le stock de glycogène hépatique peut être augmenté par l'entraînement (g). Bien entendu, le foie doit être en parfait état.
Il faut noter que si, à un moment quelconque, le stock de glycogène hépatique est saturé et que le sang continue à s'enrichir en glucose, l'excès de glucose sera transformé en graisses corporelles.

R2

Le glycogène musculaire. Les cellules du muscle constituent un important stock de glycogène. Celui-ci est de l'ordre de 15 grammes par kilo de muscle squelettique (h) (les muscles qui actionnent les membres sont les muscles squelettiques, ceux qui actionnent les viscères sont les muscles lisses) , assez pour assurer un effort maximum pendant 90 minutes (i). Le glycogène stocké dans un muscle ne peut pas être prélevé pour être utilisé ailleurs. Il n'est pas consommé au repos (ne s'use que si l'on s'en sert).

R1

L'ATP cellulaire. Le glycogène n'est pas utilisé tel quel par la cellule musculaire. Il est d'abord transformé par une réaction chimique en ATP (j). Cette réaction nécessite de l'oxygène (k). Au repos, la cellule musculaire conserve un petit stock d'ATP. Il peut assurer la contraction musculaire même en l'absence d'oxygène mais pendant une durée qui ne dépasse pas quelques secondes (l). C'est le carburant des sprinters. C'est le carburant qui permet d'échapper à l'attaque soudaine du lion. La créatine phosphate présente dans la cellule permet, en synthétisant de l'ATP, de prolonger de quelques secondes de plus la durée de l'effort.
En l'absence d'oxygène, la réaction de synthèse de l'ATP est encore possible mais elle se fait avec un rendement très médiocre et produit de l'acide lactique dont l'accumulation dans la cellule musculaire produit les courbatures. L'acide lactique est finalement recyclé dans le foie (m) où il est utilisé avec des lipides (graisses) et des acides aminés (protéines) pour produire de nouveau du glucose.
L'entraînement permet d'augmenter considérablement les capacités de la cellule à transformer du glycogène en ATP (n). Il permet aussi d'augmenter le stock de glycogène présent (o) et d'augmenter la capacité de l'organisme à recycler l'acide lactique.

Mobilisation des réserves

Au début de l'effort, c'est l'ATP musculaire R1 qui est consommé. Le muscle à froid étant mal irrigué par le sang, cette consommation se fait avec un très mauvais rendement et produit de l'acide lactique (p). Immédiatement, les autres réserves sont aussi sollicitées. L'ATP musculaire est reconstitué à partir du glycogène musculaire R2. La cellule capte aussi le glucose qui circule dans le sang. La réserve adipeuse est mise à contribution et peut représenter un pourcentage variable de la consommation énergétique selon l'intensité de l'effort : plus de 50 % à faible intensité, marginale à l'intensité maximum (q).
Au bout de dix à quinze minutes d'effort modéré, les petites artères qui irriguent le muscle se dilatent (ouverture du lit vasculaire) (r). Cet instant se manifeste très nettement par une brusque impression de chaleur qui pousse à se déshabiller. Alors seulement, le muscle est correctement alimenté en oxygène.
Les réserves en glycogène hépatique R3 sont sollicitées ainsi que le glucose apporté par l'alimentation. A l'effort maximum, les réserves en glycogène seront épuisées en deux heures environ quelle que soit l'alimentation (s). Pour un effort modéré, elles dureront plusieurs heures.
Dès que la teneur du sang en glucose diminue, la réserve adipeuse est sollicitée. Son apport est à peu près constant et ne représente jamais qu'une fraction des besoins totaux.
L'épuisement du glycogène se traduit par un baisse drastique de la performance et une sensation de faim extrême : c'est la « fringale » des coureurs cyclistes (t). La poursuite de l'effort est alors dangereuse surtout si elle s'accompagne d'un début de deshydratation.

Récupération

Lors du repos qui suit l'effort, les stocks de glycogène sont reconstituées progressivement. On recommande une alimentation à base de sucres lents (index glycémique inférieur à 50 : les pâtes, par exemple) qui mettent, sans à-coups, du glucose à la disposition de l'organisme pendant plusieurs heures. Il est également bien connu qu'après l'épuisement complet du glycogène musculaire, les réserves sont reconstituées nettement au delà de la normale (u) soit par des sucres rapides ingérés régulièrement pendant plusieurs heures soit par des sucres lents dans la nuit qui suit.

Références

Gestion du petit déjeuner

Le cadre est celui d'un effort modéré prolongé sur toute la journée.

Situation au réveil

Après les efforts de la veille, R1 (réserve cellulaire d'ATP) et R2 (glycogène musculaire sont reconstitués). Il n'en est pas nécessairement de même pour R3 (glycogène du foie). En effet, pendant la nuit, l'organisme continue à consommer du glycogène. Celui-ci est apporté par R3 et par la digestion du dîner de la veille qui recharge R3.
Si le dîner de la veille est trop pauvre en sucres lents et trop riche en éléments peu énergétiques (protéines maigres), une bonne partie de R3 a été consommée. R3 doit donc être reconstitué lors du petit déjeuner ce qui représente une charge digestive supplémentaire à un moment où on aura besoin de produire l'effort.
Il est donc important que le dîner ne soit pas trop précoce et soit riche en sucres lents.

Gestion des réserves

Lors d'un effort modéré de longue durée, loin de ressources en eau et en calories, la gestion du flux hydrique est aussi importante que celle des calories.
En effet, la digestion mobilise une quantité d'eau considérable. Il faut, pour digérer, mobiliser un volume d'eau de cinq à dix fois le poids sec des aliment ingérés. Cette eau sera progressivement restituée lors de la digestion des aliments, c'est-à-dire au cours de l'effort, donc au bon moment. Il faut savoir aussi que l'ingestion d'aliments solides entraîne la fermeture de la sortie de l'estomac. Il est donc intéressant de se réhydrater avant le petit déjeuner : le liquide ingéré passe alors immédiatement dans l'intestin et va être disponible pour la digestion qui va commencer. Les anglais ont l'habitude de prendre un thé à jeun, au saut du lit.
Enfin, il ne faut pas oublier la gestion du sel. Lors de l'effort par temps chaud, la transpiration entraîne une perte en sel importante. Chez les personnes très entraînées à l'effort par temps chaud, la salinité de la sueur diminue fortement. Mais ce n'est pas le cas général. Il faut donc aussi gérer l'apport en sel en cas de fortes chaleurs.

Le petit déjeuner devrait donc comporter :

Une boisson avant toute consommation solide, puis un temps d'attente de 5 minutes au moins.
Une alimentation abondante, mélangée de sucres rapides et lents (pain, confitures, céréales, miel).
Eviter œufs, fromages et charcuteries.
Fruits ou jus de fruits.
Boire abondamment.
Immédiatement au début de l'effort, on peut consommer des sucres rapides :
Barres, pâtes de fruit.
Au bout de trois heures, digestion terminée, on peut consommer :

Ces préconisations sont adaptées à des efforts modérés prolongés sur toute la journée.
Pour des efforts intenses (course à pieds, kilomètre vertical) elles seraient différentes.